Emmanuel Négrier, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a publié en 2010 une enquête sur le public des festivals de musique et de danse, menée en 2008 et 2009 sur les publics de 49 Festivals, dont « Saoû chante Mozart ». Cette enquête – la première menée à une telle échelle, apporte un éclairage très neuf sur l’origine des festivaliers, leurs modes de fréquentation des spectacles, leur niveau de vie et leurs pratiques culturelles.
La première surprise de l’enquêteur a été le taux de réponse, bien plus élevé à Saoû qu’ailleurs. De fait, outre que nos auditeurs se sont très volontiers prêté à l’exercice, les bénévoles du Festival ont aidé à collecter les données à l’issue des concerts. La deuxième a été la grande fidélité des auditeurs : certes, un auditeur sur trois vient pour la première fois au Festival, ce qui permet un renouvellement important du public, mais 22% ont participé à 10 éditions ou plus : « Le groupe des « fans » qu’ils constituent, écrit Emmanuel Négrier, est plus important que pour d’autres festivals ». En d’autres termes, lorsque l’on vient pour la première fois au Festival, on a souvent envie d’y revenir !
Le public de Saoû chante Mozart est, en outre, plus féminin que la moyenne (58,5%). On vient au Festival plus volontiers au Festival en couple (50,4%) ou entre ami(e)s (27,7%), qu’en famille (13,8%), en solitaire (6,5%) ou en groupe organisé (1,5%). L’origine géographique fait apparaître un fort ancrage local, puisque les Drômois représentent 63% des spectateurs. Les Rhône-Alpins d’autres départements (Rhône, Isère, Ardèche, principalement) représentent 13,7%, et les autres régions françaises (La Région parisienne, principalement), 20%.
La grande particularité du Festival tient au fait que plus de la moitié des spectateurs proviennent de communes de moins de 10.000 habitants. En outre, plus du tiers (35,6%) n’assiste à aucun autre festival que Saoû chante Mozart. Cela démontre le rôle essentiel que joue « Saoû chante Mozart » pour garantir l’accès à la musique classique dans les territoires ruraux et montagnards.
Enfin, comme le note Emmanuel Négrier, « le pourcentage d’étrangers (3,1%) est plus important que celui de bien d’autres festivals, y compris estivaux ». En tant que seul festival français consacré à Mozart, Saoû attire en effet un public international de mélomanes en constante augmentation.
Ainsi, l’étude confirme la conviction profonde portée par Henry Fuoc, le fondateur du Festival, que « Saoû chante Mozart » est « un festival pas comme les autres ». Son originalité tient d’abord à ses attaches rurales, à Saoû, village de 532 habitants, aussi bien qu’à son installation sur plusieurs sites, souvent en plein-air, pour aller au-devant du public. Festival « Mozart au champ », Saoû entretient aussi un style convivial et décontracté (« Mozart sans cravate »). L’association qui gère le Festival, qui compte plus de 200 membres, constitue le noyau dur d’un public fidèle dont les liens sont renforcés par les assemblées générales – moments conviviaux par excellence – et par les voyages culturels organisés au rythme de trois par an.
La fidélité du public, tient toutefois, d’abord et avant tout à la grande exigence artistique qui prévaut depuis 1989. Les enquêtes précédentes sur le public de Saoû chante Mozart, en 1995 (Salto), 1997 (IPSOS) avaient souligné combien le niveau artistique prévaut dans les motivations des auditeurs. L’étude d’Emmanuel Négrier le confirment : les oeuvres programmées et les interprètes viennent en premier, devant le site du spectacle et la notoriété du festival, car les auditeurs de Saoû sont très majoritairement des connaisseurs (72%). Les auditeurs, nombreux, qui découvrent Mozart grâce aux concerts de Saoû chante Mozart deviennent, cela dit, assez vite à leur tour des connaisseurs. C’est cela aussi, sans doute, « l’effet Mozart » !
DC